Rendre ce que j’ai reçu

Interview Exclusive

«Monica Seles, vous souvenez-vous de votre première venue à Paris ?
Oui, bien sûr. C’était en 1989, pour y disputer Roland-Garros *. Enfant, dans mon ancien pays (l’ex-Yougoslavie, ndlr), je ne manquais aucune finale de ce tournoi, où je pouvais admirer Martina (Navratilova) et Chrissie Evert. Etre une enfant de 15 ans et y jouer, c’était irréel, parce que vous le voyez à la télévision pendant des années et tout d’un coup, vous vous y retrouvez. Atteindre les demi-finales pour ma première apparition, c’était comme un rêve. Heureusement, mon père (Karolj) était là pour me dire : « c’est bon, ça va bien se passer ». Il était chaleureux mais insistait aussi, du genre : « il faut y aller et être performante ». C’est un souvenir très spécial pour moi.
Votre père Karolj, qui était aussi votre premier entraîneur, a été une source d’inspiration pour vous. Guide-t-il encore vos pas aujourd’hui (il est décédé en 1998) ?
J’essaie vraiment, chaque jour, de suivre ses conseils. Mon père avait une bonne vision des choses, que ce soit pour ma carrière ou ma vie. Je ne serais pas celle que je suis sans lui. Et sans ma mère (Ester) non plus, pour être honnête (sourire). Il a été d’une grande influence pour mon tennis et pour ma vie. Tous les grands souvenirs que j’ai avec lui restent très spéciaux.
Vous êtes revenue à Roland-Garros pour vous entraîner en vue de l’exhibition des légendes de l’Open GDF Suez (le 12 février dernier, à Coubertin). Qu’avez-vous ressenti ?
Pour moi, c’est toujours magique de revenir à Roland-Garros. Il y a des endroits que vous aimez et Roland-Garros, je l’ai aimé dès le premier jour. J’y ai toujours pratiqué un tennis incroyable (trois titres en 1990, 1991 et 1992, une finale en 1998, ndlr), à part peut-être lors de ma dernière apparition (en 2003, blessée, elle perd au 1er tour pour ce qui restera son dernier match professionnel, ndlr), je ne veux pas m’en rappeler (rire). C’est un tout : le stade, son histoire, le fait que l’une de mes joueuses préférées, Suzanne Lenglen, ait donné son nom à l’un des courts… J’étais présente, d’ailleurs, quand ils l’ont inauguré. Ma défaite la plus difficile à encaisser reste cette finale (contre Arantxa Sanchez-Vicario) en 1998. C’était très dur (elle avait perdu son père moins de deux semaines avant le début du tournoi, ndlr). Ce sont des sentiments forts, alors y aller pour m’entraîner avant l’exhibition, c’était de la joie. Simplement. J’y suis restée quatre à cinq heures, c’était génial. Je ne me suis pas rendue sur le central mais j’ai vu la terre battue quand j’ai monté les marches (pour rejoindre le Centre National d’Entraînement, cadre de son échauffement, ndlr). J’en étais très proche (sourire).
«J’aimerais revenir à Roland-Garros. Par le passé, j’ai vu, à la télévision, d’anciens champions remettre le trophée. C’est beau, c’est un honneur. Si je suis invitée, j’adorerais le faire»
Cette année, nous fêtons les 20 ans de votre dernier titre. Aurons-nous l’occasion de vous voir remettre le trophée à la gagnante ?
J’espère. Ça dépend si le tournoi m’invite. On ne me l’a encore jamais demandé, alors je ne sais pas (sourire). J’aimerais revenir. Par le passé, j’ai vu, à la télévision, d’anciens champions remettre le trophée. C’est beau, c’est un honneur. Si je suis invitée, j’adorerais le faire.
Vous avez étudié le français. Pourriez-vous nous dire quelques mots ?
J’ai arrêté d’étudier il y a longtemps ! Je jouais encore (rire) ! Je ne pourrais vraiment pas vous parler français ! Ça fait dix ans que je n’ai pas prononcé un seul mot dans votre langue (rire) !
Que faites-vous aujourd’hui ?
Je suis membre de la Fondation Laureus, avec Martina Navratilova notamment. Nous pensons que le sport peut changer la vie de jeunes enfants à travers le monde, qu’ils pratiquent le tennis, le football, le basket ou autre. Quand je regarde mon parcours, je me rends compte que c’est possible. Dans certains pays où l’on se rend, des jeunes filles n’ont jamais joué au tennis, n’ont aucun parent qui pratique ce sport. Si on va les voir, ça peut leur donner envie, ça peut les inspirer. Pour moi, c’est une formidable opportunité de rendre ce que j’ai reçu, à ces jeunes filles, à ces femmes, mais également au sport. J’écris aussi des nouvelles sur le sport pour les adolescents de 14 à 16 ans. La collection s’appelle « L’académie » (« The Academy », éditions Bloomsbury) et on y traite de basket, de football, et bien sûr, de tennis.
Pourriez-vous devenir entraîneur ?
Oh non ! Je prodigue quelques conseils, si des joueuses viennent me voir. Il y en a quelques-unes qui le font et je suis très heureuse de leur répondre, mais entraîner, non. J’ai toujours été une joueuse d’instinct, je ne ferais donc pas un bon coach.»Propos recueillis par Julien GIOVANELLA* Dans son autobiographie « Getting a grip on my body, my mind, my self » (Editions Avery), Monica Seles rappelle ce que lui a dit son père Karolj quand elle a vu le central de Roland-Garros pour la première fois. Un central qu’elle trouvait immense : «Monica, regarde ce court. Il n’est pas immense, il est de la même taille que tous ceux sur lesquels tu as déjà joué. Tout ce qu’il y a autour, les sièges, etc., ne signifie rien. Regarde simplement le court.»

source:lequipe.fr

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